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Dinu Lipatti dans les archives de la Sécurité

Partant d'un thème de recherche assez vaste, j'ai passé un long été et un long automne au Conseil National pour l’Étude des Archives de la Sécurité (CNSAS), et finalement je me suis retrouvé tenant entre mes mains une lettre originale de Dinu Lipatti, tapée à la machine, signée par sa main. Une lettre conservée depuis le moment où elle a été écrite, le 25 juillet 1949, d'abord dans les Archives de la Sécurité, puis dans les archives du CNSAS.

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Partant d'un thème de recherche assez vaste, j'ai passé un long été et un long automne au Conseil National pour l’Étude des Archives de la Sécurité (CNSAS), et finalement je me suis retrouvé tenant entre mes mains une lettre originale de Dinu Lipatti, tapée à la machine, signée par sa main. Une lettre conservée depuis le moment où elle a été écrite, le 25 juillet 1949, d'abord dans les Archives de la Sécurité, puis dans les archives du CNSAS. C'est une lettre adressée par Lipatti à sa mère, Anna Lipatti, née Racoviceanu, dans laquelle il la prie de venir et de lui accorder l'assistance et les soins dont il avait besoin. Lipatti était déjà malade. C'est une lettre relativement cryptée, car il craignait probablement la censure du nouvel état communiste. C'est une lettre où il tente être un autre que lui-même. Par ailleurs, sur l'enveloppe expédiée il y avait les mentions « Exprès » et « Recommandée » à côté de l'adresse du destinataire : Madame Ana Lipatti, 12, Boulevard Ana Ipatescu, Bucarest, Roumanie ». On voit également le tampon de la poste de Montana-Vermala (Valais), et au dos, le nom d'un expéditeur qui pourrait sembler fictif, mais il s'agit du nom de jeune fille de l'épouse de Dinu Lipatti, Madeleine : Dannhauer – à Moubra, Montana, Valais, Suisse. À Moubra se trouvait la clinique où le pianiste était interné.

Cette lettre n'a jamais atteint sa destination. Elle a été interceptée par la Sécurité communiste et a déclenché la poursuite de Anna Lipatti, qui faisait tout ce qu'elle pouvait pour aller voir son fils. Dinu était gravement malade, interné dans une clinique à Crans-Montana, en Suisse. Soigné par Ie docteur Henri Dubois-Ferrière, il faisait une cure de Cortisone, grâce à l'assistance de ses amis et à leur effort financier pour lui procurer ce nouveau médicament. Le traitement portait ses fruits et lui a permis de réaliser encore quelques enregistrements restés comme un testament après sa mort, survenue le 2 décembre 1950.

Après la Guerre, la situation en France était confuse, les prix avaient explosé et les logements étaient chers. Dinu conseille à sa mère de venir et d'emporter les moyens nécessaires pour vivre entre 8 et 10 mois, le temps qu'il se rétablisse, afin de gagner une vie avec ses concerts et ainsi pouvoir entretenir sa mère, comme son épouse et sa mère à elle, Marie-Louise Dannhauer, qui venait elle aussi de quitter la Roumanie.

Le fait qu'Anna Lipatti eût pris avec elle des bijoux de famille, qu'elle avait l'intention de vendre une fois arrivée en Occident, afin de vivre un temps grâce à cette transaction, semble un fait absolument normal aujourd'hui. Il s'agissait d'effets personnels, acquis durant une vie bourgeoise normale. Son époux, le père de Dinu, Theodor Lipatti, avait été diplomate.

Cependant, à son arrivée à la frontière de Curtici en train, possédant des documents obtenus légalement, la valise de Anna Lipatti a été fouillée et ses bijoux découverts ; elle a été arrêtée pour « tentative d'évasion frauduleuse des métaux précieux ». Suivent une enquête et un procès, dont les traces sont conservées par ces documents. Dans un premier temps, Anna Lipatti a été condamnée à payer une amende correctionnelle de 30.000 lei et de 2.000 lei frais du procès et ses bijoux ont été confisqués. Le procureur du Tribunal d'Arad fait un recours et demande une punition plus sévère.

En août 1950 la Sécurité intervient auprès des juges du département pour que Anna Lipatti ne puisse pas quitter la ville d'Arad, où elle était encore retenue.

Le dernier récital de Dinu Lipatti a eu lieu à Besançon le 16 septembre 1950.

 

Très chère Momé,

J’ai vu le gosse avec lequel j’ai longuement parlé et qui est tout heureux àl’idée de revoir bientôt sa mère. Mais en bavardant avec lui j’ai senti qu’à côté de sa grande joie il y a aussi une grande inquiétude, car il a le sentiment que sa mère, enthousiasmée par son projet, ne voit pas les difficultés matérielles de son projet.

Il conseille à sa mère de faire tout le possible pour qu’elle puisse compter sur au moins 8 à 10 mois de vie par ses propres moyens, étant donné que le gosse ne gagne plus rien depuis 14 mois et sera probablement encore empêché de travailler les prochains 8 mois. Si le gosse avait été en bonne santé, son inquiétude n’aurait pas eu lieu, puisque en temps normal il aurait pu assumer la charge de sa mère, ainsi que de sa femme et de sa belle-mère. Malheureusement il est immobilisé par sa maladie et ne sait même pas si on lui donnera l’autorisation de descendre en plaine ou non. Il est certain que son état général est meilleur, mais sa maladie n’est pas encore vaincue. Il m’a bien expliqué qu’il voudrait faire comprendre à sa mère qu’il serait si heureux de pouvoir l’aider, l’installer convenablement, l’entourer de sa tendresse et qu’il fera tout ce qu’il pourra, mais qu’actuellment étant donné son incapacité de travail, il a le devoir de prévenir sa mère d’être prévoyante et de faire tout son possible pour avoir avec certitude 8 à 10 mois minimum de vie assurée dans la province où elle veut habiter désormais. Du côté de saintrom[1] la situation este la suivante: les locataires qui y habitent sont des prioritaires, c’est-à-dire des gens qui se sont distingués pendant les années sombres. Comme là-bas il y a un grand chauvinisme, il sera très difficile de les chasser. Cela n’est pas impossible, mais je répète: ce sera difficile et vraisemblablement cela durera des mois. Le bail expire en Avril 1950, mais le gosse aurait dû les avertir en Avril 1949 de partir, ce qu’il n’a pas fait, d’abord parce qu’il était souffrant, ensuite parce que à ce moment-là sa mère n’avait pas le projet actuel. Beauvy a dû prendre une grande somme comme "pas de porte”. Les loyers là-bas sont officiellement très petits et, comme le propriétaire n’a pas le droit de demander plus que le tarif officiel, il demande au locataire ce qu’on appelle un "pas de porte”.  Une connaissance du gosse a dû payer comme pas de porte cinq cent mille francs pour une garçonnière rez-de-chaussée, sur une cour, sans lumière, meublée misérablement et avec beaucoup d´humidité. On imagine facilement ce que Beauvy a dû prendre comme pas de porte dans ce cas ! Mais ce qui est pris, est pris. Là n´est pas la question. Le gosse veut simplement décrire à sa mère la situation actuelle afin qu’elle soit informée sur le vrai paname[2] et non pas qu’elle s’imagine qu’elle retrouvera le paname du beau vieux temps. Le gosse aidera sa mère  a débarrasser saint rom avec un avocat et certainement qu’à la longue on y réussira, mais ce sera long et difficile. La mère Beauvy s’est proposé jadis d’offrir hospitalité à la mère du gosse dans son propre appartement, au rez-de chaussée. Mais est-elle toujours disposée à recevoir chez elle la mère? Voilà la question. Et même si elle maintient son invitation, le gosse serait très triste à l’idée que sa mère serait installée chez Beauvy. En hiver on crêve de froid car elle ne chauffe pas continuellement, sa nourriture est mauvaise, elle ne mange que du régime, peu et mal. Non, il ne me semble pas que ce soit une solution heureuse, même comme solution transitoire. Reste donc comme meilleure formule à rester chez conf[3] jusqu'au moment de débarrasser saintrom. Pour cela il faut que la mère soit assurée de 8 à 10 mois de vie et aussi de la permission des confs pour y séjourner.

Dans le pays de Baudelaire, le gosse connaît plusieurs familles françaises qui possèdent des appartements et qui depuis des années ne réussissent pas à faire chasser les locataires qui s’y sont installés. La pénurie de logement à paname est énorme. Et tu t’imagines que si des autochtones ne peuvent pas rentrer dans leur droit et dans leurs murs, combien plus difficilement ceux qui ne sont pas autochtones peuvent obtenir justice. La mère prétend avoir pour 4 mois de vie. Cela est nettement insuffisant. Je suppose qu’elle fait allusion aux cents balles déposées par le gosse via latour aux grands boulevards. Avec cela on n’avance pas loin. Il faut compter à paname environ trente mille balles mensuellement comme strict nécessaire et environ cinq cent balles conf dans la ville du gosse. Et puis le gosse m’a dit encore une chose que sa mère doit savoir: toutes les personnes qui n’ont pas renouvelé leur carte d’identité au pays de Baudelaire jusqu’en juin 1947 ne peuvent plus les obtenir. L’ami Toto a fait prolonger sa carte avant juin 1947 et, grâce à sa présence d’esprit, il peut aujourd’hui habiter tranquillement paname. Bien sûr que la mère pourra invoquer le motif immobilier, mais cette formalité sera aussi difficile et longue à obtenir. Le gosse, malgré qu’il a été informé à temps, n’a pas renouvelé sa carte, car il craignait de remuer de vieilles histoires autour de cette carte (sa  mère se souvient, n’est-ce pas?). Et puis le gosse, ne désirant pas habiter paname, obtient facilement par son métier visa séjour-tranzit 3 à 4 semaines chaque fois que son activité l’appelle à paname. Pour sa mère le problème est différent, car elle devra avoir une carte et pouvoir s’installer tranquillement là-bas. Si tout va bien, le gosse ira [à] Genève avec sa femme début septembre. Sa femme ira quelques jours avant pour faire nettoyer chaudronniers[4] et voir comment on peut caser provisoirement la mère du gosse. Si le gosse n’était pas malade, il aurait laissé M[arie-] Louise[5] à la Colline[6] et dans ce cas la chambre de M[arie-] Louise aurait pu être occupée par la mère jusqu’au moment où saintrom aurait été libre. Mais comme la Colline coûte aussi pas mal et étant donné les circonstances, Mad[eleine] reprendra chaudronniers M[arie-] Louise. Dans ce cas, la mère sera installée au salon. Le gosse veut faire bien comprendre à sa mère que toutes ces questions matérielles lui sont pénibles à discuter et qu’en temps normal il n’aurait même pas prononcé une seule parole. Il faut que sa mère comprenne combien le gosse serait heureux de la revoir et combien il fera de son mieux pour qu’elle se sente bien et heureuse. Mais le gosse a le devoir de la prévenir de ne pas partir comme M[arie-] Louise, qui n’a pris que des vieilles "troace” inutilisables et… trois éventails. Le gosse ne veut aucun cahier de musique, que sa mère prenne des choses indispensables et en bon état. Et, surtout, qu’elle s’assure la vie pour 8 à 10 mois. Voilà. Et, en terminant, le gosse a bien insisté que sa mère ne retarde pas son projet et qu’elle le réalise au moment où elle peut le faire, car les étoiles favorables dans ce domaine sont rares et il faut saisir l’occasion sans la rater, dès qu’elle se présente. Donc que la mère ne retarde pas son projet, mais qu’elle fasse sans retard le nécessaire pour le côté matériel. Maintenant que je te parle de moi. Depuis le 12 juillet je n’ai plus de fièvre, je mange normalement, je joue environ 2 heures et me promène avec M[adeleine] chaque jour. Hier nous avons fait une promenade d’une heure et demie et avons tout le temps bavardé en faisant des projets autour de l’arrivée de la chère voyageuse. Le gosse brûle de poser mille questions, mais il trouve plus sage de ne rien demander pour le moment. Si tout se réalise, il le saura de vive voix plus tard. Mais revenons à moi. Je prends actuellement une pilule tous les 2 jours et en cas de crise je dois prendre 3 par jour pour l’abréger. Depuis la fin de la dernière crise je me sens beaucoup plus fort. Les docteurs prétendent que la maladie partira lentement mais sûrement. Le seul inconvénient, c’est qu’elle ne veut pas me quitter plus vite. M[adeleine] te remercie pour tes vœux. Elle est mieux quand je vais mieux, mais ses nerfs sont très fatigués et la moindre chose l’émotionne, on doit beaucoup la ménager de ce côté pour qu’elle retrouve confiance en la vie. Moi je ne descends plus pour être vu par mes médecins, puisque Dubois-Ferrière[7]est monté me voir et s’est déclaré content. Demain on fera une photo de mes poumons pour voir si c’est plus clair et si la pachypleurite est descendue un peu.

Nous attendons avec impatience [des] nouvelles et souhaitons que tout puisse s’arranger pour le mieux. A Genève le gosse a une grande voiture qui pourrait conduire mère, M[arie-] Louise et Mad[eleine] vers son lieu de repos avant qu’il descende en plaine.

Je t’embrasse, chère Momé, et j’attends de bonnes nouvelles.

Ton Tzoupy.

 

Nous poursuivons avec le dossier de la sécurité.

Le 9 août 1949, une note de la Direction Générale de la Sécurité de l’État : « Ana Lipatti, logée au 12 Boulevard Ana Ipatescu, Bucarest, reçoit une lettre de Dinu Lipatti (l'expéditeur figurant sur l'enveloppe est fictif) de Montana, Clinique de la Moubra, Suisse, d'où ressort le fait que la destinataire s'apprête à quitter clandestinement le pays, en emmenant avec elle des biens grâce auxquels il est possible de vivre entre 8 et 10 mois. La lettre est disponible ci-joint. »

 

Le 17 octobre 1949, une Note de la Direction Générale de la Sécurité de l’État :

« D'une discussion avec Mme. Lipatti, Bucarest, 12 Boulevard Ana Ipatescu, le 13 octobre, résulte qu'elle a l'intention de partir à Genève, où se trouve son fils, Dinu, qui s'est enfui du pays.

Ainsi, elle dit que son fils ne devra pas l'entretenir parce que  avec « sa ceinture », elle aura l'existence assurée. Elle dit aussi qu'elle tentera d'introduire dans ses bagages un médaillon, qui est à son tour un objet de valeur. »

Le 21 octobre 1949, la Direction de la Sécurité de Bucarest :

« Nous vous envoyons une note informative en copie, de source sûre, vous priant de disposer à l'identification de Dinu pour établir comment il s'est enfui du pays et nous  envoyer des données civiles sur lui. Mettez la sus-citée sous surveillance, pour qu'en cas de départ légal, elle ne fasse pas glisser « la ceinture » qui contient probablement de la devise. Colonel de Sécurité, Birtas G., Majeur de Sécurité, Crisan I. »

 

Le 27 octobre 1949, la Direction Générale de la Sécurité du Peuple :

« Suite à votre ordre no. etc. du 9 août, nous avons l'honneur de vous rapporter :

« Ana Lipatti, née le 7 juillet 1887, dans la commune Slatina-Olt, fille de Constantin et Ecaterina, logée au 12 boulevard Ana Ipatescu, veuve. La sus-citée a deux enfants, dont l'un, Dinu Lipatti, né à Bucarest, est pianiste. Ce dernier est parti en Suisse depuis le 4.09.1943, étant envoyé par le Ministère de la Propagande pour donner des concerts. Pendant ce temps, le sus-cité est tombé malade, il est interné dans une clinique et prolonge chaque année son passeport. Ana Lipatti a déposé une demande pour obtenir le passeport afin d'aller voir son fils malade. La demande est en attente et le passeport est en train d'être émis. Aux archives de la DDC, les sus-nommés ne sont pas connus. Lieutenant col. De Sécurité, T. Sepeanu. »

 

Télégramme, Timisoara, adressée à la Direction de la Sécurité du Peuple, le 12 novembre 1949

à faire parvenir immédiatement au camarade Sous-lieutenant Negrin »

[heure?] 19.10 du 11.11.1949

« Nous rapportons que le 10.11.1949, le camarade sous-lieutenant Negrin a ordonné par téléphone au Service de Sécurité d'Arad d'appliquer un contrôle sévère à la nommée Ana Lipatti de Bucarest, qui a l'intention de quitter le pays via la frontière de Curtici, possédant un passeport valide, mais avec des bijoux et de la devise non-déclarés. Suite à la perquisition, les éléments suivants ont été retrouvés, habilement cachés dans son linge : une broche en argent ou or blanc avec deux perles et des pierres précieuses fines, une bague à perles et pierres fines, un bracelet à perles, une bague en or massif, un bracelet avec 21 pierres et d'autres bagues ornées de pierres précieuses. La nommée a été retenue par nos officiers. Elle est née le 7 juillet 1887 à Slatina et habite à Bucarest. Elle possède un passeport simple – no. etc. délivré le 3.11.1949. Le visa de sortie no. etc. Du 9.11.1949, valable jusqu'au 18 décembre 1949. Elle soutient qu'elle souhaite aller en Suisse chez son fils, Dinu Lipatti, pianiste, le gendre du professeur Ralea, ancien ministre de Washington[8]. La sus-citée a été retenue. En attente de vos dispositions pour la suite. Colonel de sécurité Ambrus Coloman. »

 

Le 6 janvier 1950

Note téléphonique

« Au no. … du 11 Novembre 1949, concernant la nommée Ana Lipatti, nous vous informons qu'elle a été jugée au Tribunal d'Arad et acquittée.

Elle a reçu une amende de 30.000 lei. Puisqu'elle apparaît comme suspecte dans ce procès, nous vous prions d'investiguer et de rapporter toute question qui vous semblerait suspecte dans le jugement du procès.

Il nous sera communiqué en même temps le nom de ceux qui ont jugé et des intervenants etc.

Le résultat sera rapporté dans les 48 heures.

Colonel de Sécurité, G. Birtas, Majeur de Sécurité, I. Crisan »

 

Le 13 janvier

« Concernant le procès de Ana Lipatti, il a été établi :

Ana Lipatti a été livrée au Tribunal d'Arad en état d'arrestation, avec les papiers signés par la Milice d'Arad le 14 novembre pour tentative d'évasion frauduleuse avec des métaux précieux.

Au 24 décembre 1949 le procès a eu lieu. Le jugement a été assuré par les assesseurs populaires…. Ana Lipatti a été condamné par une sentence pénale au payement d'une amende conditionnelle de 30.000 lei, de 2.000 lei frais du procès et ses bijoux lui ont été confisqués. Ensuite elle a été libérée. La décision a été prononcée en tenant compte des circonstances, c'est-à-dire de son âge avancé. Les bijoux étaient sa propriété personnelle dont elle se servait et parce qu'elle avait la manie de les cacher. L'accusée a été défendue par l'avocate… Face à cette sentence...

 

Le 10 janvier 1950

En vérifiant les informations que vous nous avez envoyées, le nommé Dinu a été identifié dans la personne du nommé Lipatti Dinu, né à Bucarest en 1917, célibataire, pianiste et compositeur, issu de la bourgeoisie. Le nommé est partie du pays à Genève, où il est interné dans une clinique. Il est malade TBC. »

 

Le 28 janvier 1950

Note

Tout de suite après l'arrestation d'Ana Lipatti, son fils, Dinu, qui se trouve à Genève a envoyé un télégramme à l'avocate Raicu Ioan, habitant au 24 Boulevard Ana Ipatescu, avec le contenu suivant : Ma mère a été arrêtée à Curtici, intervennez en toute urgence.

 

le 10 février 1950

La Direction Générale de la Sécurité du Peuple, à la Direction Régionale de Sécurité de Timisoara

« Suite à votre rapport no. … et à notre ordre no. … nous vous informons que vous devez nous rapporter à temps comment découle le procès de la nommée Ana Lipaty. Nous devons également savoir s'il y a eu ou s'il y a des interventions en sa faveur. Colonel de Sécurité Birtas G., Majeur de Sécurité, Crisan I. »

Le 12 mars 1950 la Direction Régionale de la Sécurité du Peuple – Timisoara à la Direction Générale de la Sécurité du Peuple

« Suite à votre ordre no. … du 1erFévrier 1950, concernant le nouveau procès de la nommée Ana Lipaty, nous vous rapportons :

En même temps que le recours effectué par le Parquet d'Arad, par le Procureur Moisescu, l'avocat de la prévenue Lipaty Ana, le nommé Gorgan, a fait lui aussi un recours, qui considérait que la peine était trop sévère.

Suite aux deux recours, la sentence du Tribunal d'Arad a été annulée, et le procès sera rouvert le 17 mars 1950 à la Cour d'Appel de Timisoara.

En ce qui concerne les éventuelles interventions en faveur de l'inculpée Lipaty Ana, jusqu'à présent il n'a pas été établi s'il y en a eu ou s'il y en a. Colonel de Sécurité, Ambrus Coloman, Lt. Maj de Sécurité Gedö Andrei. »

Août 1950, la Direction Générale de la Sécurité du Peuple à la Direction Régionale de Sécurité de Timisoara

Nous vous informons que la nommée Lipati Ana, dont vous avez rapporté la situation la dernière fois le 12 mars 1950, se trouve encore à Arad. Ces derniers jours, les organes administratifs lui ont demandé de quitter la ville. Nous vous prions de contacter les autorités qui ont donné ces ordres et de les suspendre, parce qu'il est nécessaire que la sus-citée reste dans cette ville. Colonel de Sécurité, Birtas G. Majeur de Sécurité, Crisan I. »

Anna Lipatti est arrivée à Genève seulement le 24 septembre, une semaine après le récital de Besançon. On conserve une photo d'elle à côté du cercueil de son fils, prise le 3 décembre 1950. 



[1] Un nom chiffré pour un appartement qu'ils possédaient à Paris, situé au 9 Rue Saint-Romain, occupé temporairement par des locataires.

[2] Paris.

[3] Possiblement un nom chiffré pour désigner la Suisse, la Confédération Helvétique.

[4] 7, Rue des Chaudronniers, l'appartement occupé par Dinu et Madeleine Lipatti à Genève.

[5] Marie-Louise Dannhauer, la mère de Madeleine Lipatti.

[6] Possiblement rue de la Colline, à Genève

[7] Le docteur Henri Dubois-Ferrière, le médecin genevois qui soignait Dinu Lipatti pour sa maladie sanguine.

[8] Une confusion de l'officier de sécurité: le frère de Dinu Lipatti, Valentin Lipatti a été brièvement marié à Catinca Ralea, la fille de Mihai Ralea.