Le Concert Enescu – Menuhin – Furtwängler – Münch
Dans Libertatea, Bucarest, no. 10, 20 mai 1938
Enescu et Menuhin réunis sur la même scène. Le premier dirigeant magnifiquement les Concertos de Brahms, Schumann (en première) et Mendelssohn et Menuhin en les interprétant parfaitement. Des moments extrêmement beaux grâce auxquelles ceux qui ont gardé un souvenir des inoubliables concerts d'Enescu, ont eu l'illusion de le réentendre de temps en temps sous l'archet de Menuhin. Au jeune virtuose je souhaite de tout mon cœur de continuer à recevoir avec le même amour respectueux le don merveilleux de George Enescu, sans lequel toute la perfection instrumentale qu'il a atteinte ne pourra jamais le porter sur les combles de son art.
Je ne m'attendais pas à ce que Hepzibah Menuhin, sa sœur, soit une pianiste si accomplie. Dans le concert qu'ils ont donné ensemble, je ne savais pas qui admirer davantage. Ils ont joué une Sonate de Mozart en fa majeur, ayant un style d'une pureté remarquable, la Sonate en ut mineur de Beethoven et celle de Lekeu que, avec toute la bienveillance possible, je considère une œuvre d'une mauvaise qualité. Pourtant les deux Menuhin l'ont jouée de manière remarquable.
Charles Münch nous a présenté récemment, parmi d'autres œuvres modernes « Musique » pour orchestre à cordes et percussion de Bartok. L’œuvre mérite la plus grande attention, car elle pose de problèmes très intéressants. La première partie est musique pour la musique, le reste est plus évocateur. La couleur de cette partition, les effets inattendus pour les moyens orchestraux restreints et enfin la manière dans laquelle Bartok traite les thèmes d'un bout à l'autre donnent un caractère spécial à cette œuvre. Son exécution est d'une difficulté à même de décourager n'importe quel chef d'orchestre. Münch l'a dirigée sans aucune faute, méritant pleinement l'hommage respectueux d'une salle enthousiaste.