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Sur sa rencontre avec Paul Dukas, relatée dans une lettre à Mihail Jora, du 19 novembre 1934

Lors de la première leçon je lui ai joué la Suite Satrarii (Tsiganes). Il l'a trouvée très bien, à l'exception de quelques éléments. Il m'a dit que l'orchestration de la première partie est lourde, parce que j'ai trop utilisé les trombones ; après il m'a dit qu'il y a quelque chose qui se répète à chaque fois et que la forme ne tient pas.
La deuxième partie (Idylle) lui a semblé meilleure ; il a ajouté que la qualité de la matière est très bonne, mais qu'elle n'est pas toujours bien taillée.
C'est la 3e partie qu'il a aimée le plus. Il a dit qu'elle est très bien orchestrée et très bien construite. Ça a été la première leçon. Lors de la deuxième, je lui ai présentée la Sonatine. Il l'a beaucoup aimée, vraiment beaucoup ; il a trouvé qu'elle a une conception mature et une construction solide. C'est surtout la troisième variation (Andante) qui lui a semblé admirable. En tout cas, il l'a aimé plus que la Suite (ceci ne m'a pas empêché de l'envoyer à Bucarest, même si avec moins d'enthousiasme!).

Avant de l'envoyer j'ai revisité certains passages : dans l'Idylle, par exemple, j'ai parfois remplacé le fagot avec le piano et les passages des cordes, je les ai renforcés avec des souffleurs (bois). J'ai réfléchi à ce que je pourrais encore composer cette année, et je reste fixé sur une Sonate pour piano. J'en ai fait la suggestion au maître et il a consenti avec plaisir.
Selon lui, j'ai fini l'école et il n'a plus de choses à m'apprendre de ce point de vue. Ensuite il félicite mon professeur pour sa manière de m'avoir initié aux secrets de la composition. La seule chose qu'il pourra faire pour moi c'est de critiquer avec une extrême sévérité les œuvres que je lui présenterai. Et en ce qui concerne sa sévérité, croyez-moi qu'il ne se méprend pas sur l'usage de l'adjectif « extrême » !!

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